Le tire-allaitement : témoignage

On nous donne de plus en plus d’informations sur les bienfaits du lait maternel sur la santé présente et future des bébés, et dès la grossesse, j’avais décidé d’allaiter.

Donner son lait autrement qu’au sein

Mais parfois, décider ne suffit pas et la mise au sein est compliquée… Pour ma part, mon bébé a dès le départ de petits problèmes de succion : petite bouche qu’il n’ouvre pas en grand, réflexe de « tétouille », jaunisse qui le fatigue énormément et l’endort lors de la mise au sein. De mon côté, ça n’est pas mieux : bouts de sein faiblement sortis, difficiles à « attraper », et après une première semaine d’allaitement, des crevasses très étendues et très douloureuses…

Ma sage femme m’a alors prescrit un tire-lait, et en ce moment, je procède à l’expression de mon lait 4 à 5 fois par jour, puis je le conserve au réfrigérateur et je le donne au biberon après l’avoir réchauffé.

Être une mère tire-allaitante

C’est une situation atypique très difficile à vivre : on ne peut s’identifier à aucun groupe, ni mère allaitante, ni mère « moderne ».

Pour moi, le fait de ne pas mettre mon bébé au sein n’est pas un choix, mais une situation que je subis. Je vous livre ici un texte extrait du site de la Leche League, dans lequel je me reconnais.

la-leche-leagueDans la majorité des cas, les mères qui donnent leur lait autrement qu’au sein ne le font pas vraiment par choix, mais parce qu’elles ont connu des difficultés d’allaitement au démarrage, et qu’elles n’ont pas reçu le soutien et l’information nécessaires pour les surmonter. Tirer leur lait pour le donner au bébé leur a semblé sur le moment la meilleure façon de résoudre ces difficultés.

On pourrait être tenté d’essayer de résoudre leur problème d’allaitement, mais ce n’est pas si simple. Ces mères ont eu une expérience de l’allaitement désagréable, voire traumatisante, et elles ont surtout besoin d’acceptation et qu’on reconnaisse tous les efforts qu’elles font pour le bien de leur bébé. Tirer son lait pour le donner au biberon à l’enfant est souvent plus long et difficile que de mettre l’enfant au sein. Or, bien souvent, les efforts de la mère sont peu reconnus par son entourage, qui ne comprend pas qu’elle « s’embête » à ça, alors qu’il serait tellement plus facile d’utiliser un lait tiré d’une boîte…

Lorsque le « tire-allaitement » est un choix fait par la mère, elle peut se sentir jugée par les professionnels de santé, mal acceptée par d’autres mères allaitantes, et ne pas se voir elle-même comme une mère allaitante.

[…]

Cette  perte de la relation d’allaitement, vécue comme un crève-cœur par la mère, sera très souvent considérée par l’entourage comme une broutille en regard des autres problèmes, et la mère ne trouvera probablement aucune oreille attentive prête à l’écouter parler de sa peine. Sa décision de tirer son lait pour le donner à son bébé, afin de « sauver ce qui peut l’être », pourra même, dans certains cas, être considérée avec stupeur, voire avec hostilité. Et son chagrin de ne pas pouvoir avoir une relation d’allaitement « normale » sera généralement totalement incompris.

La mère se retrouve privée de cette relation qu’elle attendait ; elle ne pourra pas vivre les moments de joie et d’apaisement que sont les tétées, consoler facilement son enfant en le mettant au sein… Si, en outre, elle ne peut même pas faire part à d’autres personnes de sa peine par crainte de subir reproches ou moqueries, cela sera encore plus difficile à vivre.

Dans notre société où l’allaitement est encore peu valorisé, et où le lait industriel est considéré comme à peu près aussi bon que le lait maternel, les femmes qui décident d’allaiter pendant plus de quelques mois doivent souvent affronter une pression sociale les poussant à sevrer leur enfant. Cette pression sera encore plus importante sur une mère qui décide de tirer son lait, et d’autant plus si elle le fait longtemps.

Au lieu d’être félicitée et soutenue pour son souhait de donner à son enfant l’aliment de premier choix, elle s’entendra très souvent reprocher d’investir tant de temps et d’énergie à tirer son lait alors qu’il « serait tellement plus simple et tout aussi bien de donner un lait industriel ».

— Allaiter aujourd’hui n° 66, LLL France, 2006

Mon expérience

Des douleurs, des efforts, des contraintes, des larmes, des découragements, mais avant tout l’envie de faire ce qu’il y a de mieux pour son enfant.  Ce n’est pas l’allaitement dont j’avais rêvé, c’est très contraignant et fatiguant (tirer son lait en plus des tétées, faire la vaisselle, …) et c’est une situation que j’ai vécue comme un échec pendant un moment…

Mais j’ai du lait ! Même s’il est complété, il a quand même du lait maternel. Je fais de mon mieux, avec mes moyens, et il est clair qu’être maman solo dans cette situation ne m’a pas aidée : pas de soutien psychologique, pas de relais donc moins de sommeil, …

Tout a commencé à aller mieux lorsque j’ai lâché prise sur la mise au sein et renoncé à l’allaitement direct : à chaque tétée, j’appréhendais l’échec, je me crispais, mon bébé s’énervait et pleurait, bref, une mauvaise expérience, un échec à chaque fois, un moment difficile à vivre… J’ai repris mon courage à deux mains pour le tire-allaitement : au moins, ça fonctionnait, et je retrouvais là une dynamique d’énergie positive.

Ma sage femme m’a prescrit de l’homéopathie pour lutter contre le baby blues et les crevasses, ainsi que des téterelles plus larges (après 2 semaines de tire-lait, mes bouts de seins sont enfin sortis…). J’ai acheté de la tisane d’allaitement, de l’Ovomaltine et de la bière sans alcool. Je ne saurais dire si c’est « réellement » efficace, mais si ça ne l’est pas, ça ne peut pas faire de mal… En tout cas, après 10 mois de privation sur l’apéro, boire une bière, même sans alcool, a été pour moi comme un retour à la vie, et un moment de pur plaisir qui a certainement un effet positif sur le moral !

Aujourd’hui, je tire assez pour ne donner que mon lait à mon bébé. Je ne sais pas combien de temps cela pourra durer, à chaque jour suffit sa peine… mais tout ce qui est pris, est pris ! Lâcher prise sur la mise au sein n’a pas été une chose facile, mais finalement ça a été très libérateur psychologiquement. Et j’ai appris à envisager les côtés positifs de la situation : je peux confier mon bébé à sa grand mère, par exemple, qui est toute heureuse de lui donner le biberon, et qui me trouve très courageuse, puisqu’elle n’avait pas pu m’allaiter. Je tire mon lait en 15 minutes environ, alors qu’une tétée dure parfois près d’une heure ! et ce week-end, tandis que mamie nourrissait le bébé, maman en a profité pour faire autre chose : une bonne douche réparatrice avec quelques soins corporels, un brin de ménage et de rangement, etc. Un véritable luxe quand on est une maman solo !!

Je continue sur ma lancée des points positifs :

  • Je sais parfaitement combien boit mon bébé, chaque jour. Pas besoin de le peser ou de scruter les couches (de toute façon, je le fais quand même 🙂 ), il me suffit de constater ce qu’il boit. Un bon avantage pour les mamans stressées.
  • Je gagne du temps aussi : dès le départ, mon bébé prenait un biberon toutes les 3 heures. A un mois, j’avais retrouvé un peu de temps de sommeil et le rythme était le suivant : bain et biberon à 20h30, puis à 2 ou 3h du matin, puis à 6 ou 7h. Ensuite, la journée, il buvait toutes les 3 heures. En comparaison, les tétées au sein ont lieu toutes les 2 ou 3 heures pendant 2 ou 3 mois (témoignage de ma belle-sœur).
  • Puisque je tire, je vais jusqu’au bout du lait disponible et mon bébé boit systématiquement le fameux lait plus gras, disponible en fin de tétée, et qui évite les coliques et les selles vertes (source LLL).

En savoir plus : comment j’ai soigné mes crevasses, quel tire-lait j’utilise.


J’édite mon article afin de compléter mon témoignage et continuer à vous apporter des éléments positifs ! 🙂

A l’âge d’un mois et demi, mon bébé fait ses nuits ! Il dort de 22h à 6h, et ne boit plus que 5 biberons (120-150 ml) dans la journée. Pour ma part, je tire mon lait 4 fois par jour et je peux congeler environ 200 ml chaque jour. En résumé, je gagne en confort et en organisation, et mon bébé se développe bien. Finalement, une expérience très positive !


Suite et fin de mon tire-allaitement…

Lorsque mon bébé est passé à 4 biberons par jour, j’ai diminué le tirage à 3 fois par jour, puis au bout d’un mois à 2 fois par jour. Ce temps de « traite » devenait de plus en plus lourd à assumer psychologiquement, sans compter le temps à y consacrer…

A mi-chemin, sur les conseils de ma sage-femme, j’ai changé le modèle de mon tire-lait : quel confort immédiat ! Aussi, pour les mamans qui choisiraient de se lancer dans un tire-allaitement, je vous conseille de porter la plus grande attention au choix du modèle. Pour moi, c’en était fini des engorgements et autres douleurs !

J’ai donc choisi de sevrer mon bébé en douceur : à 4 mois et 1 semaine, j’ai introduit un biberon de lait de chèvre pendant 10 jours, puis un 2e biberon de lait artificiel encore pendant 10 jours. A presque 5 mois, il n’avait donc plus qu’un biberon de lait maternel le matin, et 3 biberons de lait de chèvre. J’ai arrêté l’expression du lait maternel à 5 mois et 1 semaine. Avec le stock de lait congelé, je sais qu’il aura encore du lait maternel jusqu’à ses 6 mois minimum.

A 5 mois et 1 semaine, nous avons également commencé la diversification (carotte, banane) avec quelques cuillères avant la tétée. Il était demandeur et cela lui plait beaucoup !

Malgré l’effort physique et psychologique que m’a demandé le tire-allaitement, le bilan que j’en tire est plus que positif. Mon bébé est en haut des courbes de croissance de taille et de poids, il est très éveillé et loin d’être en retard en termes de développement psychomoteur ! 🙂

6 commentaires à propos de “Le tire-allaitement : témoignage

  1. Bonjour, je pense devenir une tite allaitante, j ai des tétons qui ressortent mais bebe a eu des bib a j+2 pour déshydratation et compléments pour qu il prenne du poids… Bref la tetee n est plus un plaisir car il ne fait plus l effort de teter et s endort tout de suite au sein. Je ne supporte plus de le stimuler dans tous les sens car cela le rend nerveux et parfois colerique… Surtout ajouté aux coliques qu il a … Chaque tetee est un combat et je finis en pleurs 🙁 bref au tire lait j ai très peu de lait je voulais savoir au depart combien de fois vous tiriez votre lait ? Combien de temps durait vos premiers tirage ? Et pour quelle quantité ? Merci d avance pour votre retour … Annso

  2. Bonjour !
    Merci pour votre témoignage.
    Cela commence à dater pour moi (plus de 1 an), mais je me souviens très bien que les débuts étaient difficiles et frustrants…
    J’ai cherché et retrouvé mon carnet, voici les repères que j’ai :
    – à la maternité, très très peu de lait obtenu
    – à J+7 (7 jours après la naissance de mon fils), je lui donne la moitié des biberons en lait maternel (environ 260 ml) et l’autre moitié en lait industriel
    – à J+14 : je tire mon lait 6 fois par jour, sur les deux seins, et j’obtiens 685 ml !! 🙂
    Malheureusement, pour que ça marche, il faut tirer son lait comme si bébé tétait : la nuit y compris. Les « récoltes » sont très variables durant la journée, ne vous affolez pas pour ça, certaines fois vous aurez l’impression qu’il n’y a pas assez pour le prochain biberon, mais parfois il y a un peu plus alors en conservant correctement ça compense…
    Exemple de ce jour 14 : 1h15 : 125 ml, 7h30 : 140 ml, 10h30 : 110 ml, 14h00 : 100 ml, 18h00 : 105 ml, 21h30 : 105 ml.

    Un dernier conseil : choisissez bien votre tire-lait et la taille de vos téterelles, je pense que cela a beaucoup empiré mon expérience du départ et freiné un temps la lactation. N’hésitez pas à rejoindre le groupe « Leche League France » sur Facebook, ou contacter votre antenne locale, elles sont super.

    Bon courage, et accrochez-vous, ce ne sera pas tous les jours facile, surtout au début, mais ça vaut le coup !
    Venez nous donner des nouvelles… 🙂

  3. Pingback : La Balancelle Babymoov Bubble - Maman teste tout !Maman teste tout !

  4. Quel bel article ! J’aurais pu écrire la même chose. J’allaite toujours ma fille de 4 mois. J’ai connu un début d’allaitement parfait (malgré l’utilisation de téterelle car ma fille n’arrivait pas à prendre le sein), la courbe de poids de bébé était parfaite, et mademoiselle buvait avec grande aisance ! Puis vers ses 2 mois, tout à basculé. Je pense qu’elle a eu une grosse poussée de croissance, et que le débit du sein ne lui convenait plus. Elle hurlait à chaque tétée, paniquait même lorsque je la mettais en position, c’était devenu un enfer, pour elle, comme pour moi qui redoutais chaque prochaine tétée de peur de revivre cette frustration. J’ai commencé à tirer mon lait pour lui donner au biberon car sa courbe de poids ralentissait et ça a été le déclic, elle a adoré le débit, mais le problème est qu’elle n’a plus jamais voulu reprendre le sein. Je crois que votre article explique à merveille la douleur que peut ressentir une maman qui ne peut pas vivre pleinement son allaitement comme elle le souhaiterait. J’ai fait le meme choix que vous, j’ai tirer mon lait 5 à 6 fois par jours pour lui donner exclusivement au biberon. A ce jour (4 mois) elle reçoit toujours 100% de mon lait, mais je commence à manquer un peu et le temps de tirage et l’effort déployé pour tout ça commence à devenir très difficile. Merci pour cet article qui date un peu, mais qui me fait un immense bien ! Je ne pensais pas que nous étions si nombreuses à « subir » ce parcours.

  5. Ravie que ce texte vous ait apporté un peu de réconfort, c’était le but ! Merci pour votre témoignage, cela aidera peut-être d’autres mamans à se sentir moins seules !

  6. Bonsoir

    Merci pour ce témoignage et l’extrait du site Leche League… je m’y retrouve complètement… cette culpabilité rongeante…, surtout quand bebé a faim, qu’il avait perdu trop de poids à la mternité et que le plus simple aurait été de le mettre au sein. Ça fait du bien de vous lire.

    Mon bébé a 17 jours aujourd’hui et accepter de faire le deuil de l’allaitement au sein a été plus libérateur que ce que je pensais, même si parfois encore je culpabilise, pour apprécier à sa juste valeur mon statut de « mère tire-allaitante ». Mais la priorité est mon fils. Mais au moins, notre bébé boit du lait maternel. Mais ne trouver personne avec qui en parler et surtout pour me comprenndre, est dur aussi.

    Heureusement que mon mari me soutient.

    Je me fixe d’autres objectifs qui m’aident à avancer : augmenter ma lactation, diminuer voire supprimer le complément de LA, changer de tire lait car je sens que celui que j’ai n’est pas satisfaisant, me projeter sur sa future diversification, programmer mon retour au travail…

    Merci encore pour votre témoignage qui va en aider encore d’autres.

    Bonne continuation.

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